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XXXII


Les derniers jours d’Olympe approchèrent sans qu’elle les sentît venir. Dutertre avait donné sa démission de membre de la chambre des députés pour ne plus avoir à quitter Olympe. La pauvre femme était heureuse de se voir réunie pour toujours à l’homme qu’elle chérissait toujours avec idolâtrie. Elle ne vit pas venir sa fin. Une délicate, une savante sollicitude lui épargna les appréhensions sinistres de la mort. Elle s’endormit comme un jeune oiseau qui sent le froid et la faim dans son nid abandonné, qui murmure faiblement sa souffrance, mais qui ne sait pas qu’il va mourir.

Quelques heures auparavant, elle avait dit à Amédée :

— Mon cher enfant, je me sens bien faible. Je n’y comprends rien, car je suis si heureuse, que je ne me sens pas malade. Il me semble que je pourrais me lever, marcher, courir ; mais je n’ai pas seulement la force de lever un bras. Est-ce qu’on meurt de faiblesse ? Les médecins disent que non, et je ne le crois pas non plus. Cependant, si je venais à mourir, jure-moi que tu épouserais ma Benjamine, et que ni elle ni toi ne quitteriez jamais mon mari.

Amédée l’avait juré. Dutertre lutta pendant près d’un an contre la tentation incessante et acharnée du suicide. Il avait tellement la conscience de son devoir de citoyen et de chef de famille, il payait son désespoir de si peu de complaisance, qu’il avait confessé à Amédée l’espèce de monomanie horrible dont il était obsédé, en le priant de ne jamais le laisser seul. Amédée, qui ressentait les mêmes tentations dans un morne silence, s’attacha à lui comme