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frir, vous ? dit Dutertre l’interrompant avec une sorte d’ironie amère. Vous ne pouvez pas m’en donner d’autre que celle du silence, et j’y compte. Ne parlons plus de cela, vous dis-je.

Et, lui tendant la main d’une manière plus imposante qu’affectueuse, il ajouta :

— N’en parlons jamais, je vous en prie, Thierray !

Thierray fut profondément blessé de cette réponse, qui pouvait s’interpréter comme un refus formel de la main d’Éveline.

— Fort bien ! se dit-il, les bourgeois seront toujours des bourgeois ; les riches voudront toujours des gendres riches ; les artistes, les gens de lettres seront toujours, dans les familles opulentes, des messieurs sans conséquence, pour qui les demoiselles de la maison ont parfois des passions assez vives, mais qui ne sont pas tenus d’épouser, parce qu’ils ne peuvent offrir, eux, aucune espèce de réparation à l’honneur compromis. Pourvu que je me taise, on ne m’en demande pas davantage ; c’est tout ce à quoi je suis propre. Un amant discret et clandestin, c’est possible ; un époux officiel, jamais !

Il ne répondit à Dutertre que par un sourire dédaigneux, que Dutertre n’observa même pas. Thierray aurait rougi d’insister ; il aurait eu l’air de profiter de la folie d’une petite fille pour épouser un million de dot. Mais sa surprise, sa consternation furent au comble, quand Dutertre, qui ne voulait plus penser qu’au bonheur de sa fille, et était résolu à surmonter son propre malaise en présence de son futur gendre, lui dit fort naturellement :

— Allons, Thierray, vous êtes à cheval, vous alliez à Puy-Verdon, ne vous dérangez pas plus longtemps. Je vais voir une coupe que j’ai par ici ; ma femme est revenue, et je vous retrouverai à déjeuner.