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puisque c’est justement vous que je préfère à moi-même !

Dutertre, profondément attendri, cacha son visage dans ses mains ; puis, après un instant de silence, il les posa en signe de bénédiction sur la tête du jeune homme, en lui disant :

— Mon fils, je vous estime, je vous aime et je vous bénis, mais vous ne pouvez pas rester ici.




XXIII


Amédée, atterré, courba la tête comme si cette bénédiction eût été celle du prêtre au pied de l’échafaud.

— Vous me tuez, dit-il ; mais que votre volonté soit faite !

— Non, je te sauve, dit Dutertre en se levant. Il y aurait, dans la tâche que tu t’imposes, des douleurs que ni toi ni moi n’avions prévues. C’est à moi seul de les supporter. Ne m’interroge pas ; je ne puis rien te dire, sinon que je crois en loi comme en moi-même, et que ce n’est par aucun sentiment d’égoïste et vulgaire méfiance que je t’éloigne. Je te dis qu’il le faut, non pour mon honneur, mais pour ma dignité ; non pour le repos de mon esprit, mais pour celui de ma conscience.

— Votre arrêt est mystérieux, mais je dois m’y soumettre sans le pénétrer, dit Amédée. Alors, donnez-moi donc quelque grande tâche à accomplir pour vous, quelque mission difficile ; trouvez-moi un moyen pour que je trouve, moi, de la force, en me disant que ma force vous est nécessaire.

— Oui, elle m’est nécessaire, et me le sera toujours. Mais c’est au sein de la famille surtout, car j’ai besoin de ton affection plus encore que de ton intelligence et de ton