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nalité, de l’égoïsme, de la cupidité, du caprice, voilà qui en vaut la peine ! Mais triompher de la vertu ! ma foi ! je ne voudrais pas l’essayer, tant cela me semble banal.

— Flavien, vous êtes corrompu déjà, et, moi, votre aîné, je ne le suis pas encore. Croyez-en ce que vous voudrez, mais la vertu est une puissance morale, une force intellectuelle ; je l’aime pour elle-même…

— À preuve que tu veux la corrompre ! Allons, logicien, tu déraisonnes, ou tu te moques de moi. Bonsoir et bon voyage !…

— Je ne veux pas te laisser sur cette hérésie, dit Thierray. Si tu ne tiens pas à voir mademoiselle Caroline sauter la barrière, reconduis-moi à mon taudis de poëte, et je te demanderai peut-être un service.

— Oui-da ! que je t’accompagne pour occuper ce mari confiant, pendant que tu déploieras les batteries de ton éloquence auprès de sa vertueuse moitié ?

— Peut-être !

— Oh ! je n’ai pas ce courage ! ne me demande jamais rien de pareil : je suis égoïste.

— Et tu as raison, répondit Thierray. Je le suis aussi ; c’est pourquoi je te quitte. Adieu !

Et il s’éloigna.

Au bout d’une heure, comme il faisait chez lui ses préparatifs de départ, il vit entrer de Saulges. Ce dernier était fort agité, et l’habitude du monde ne lui avait pas fait acquérir la faculté de paraître toujours calme en dépit de lui-même. C’était un homme de premier mouvement.

— Flavien, lui dit Thierray, tu viens de faire une folie.

Et il ajouta intérieurement : « Ou une sottise. »

— Non, répondit avec franchise Flavien en rallumant