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est certain que je l’aime comme si je le connaissais depuis vingt ans. Mon rôle était donc d’une stupidité révoltante, et je n’avais à répondre que ceci : « Oui, madame, votre mari est un galant homme, un ami parfait. L’animal grossier qui songerait à lui enlever sa femme mériterait cent soufflets, et c’est moi qui suis cet animal immonde, n’en déplaise à l’honneur, à l’amitié, à la raison et à la délicatesse. »

» Je gardai pour moi la conclusion, je fis chorus avec elle sur l’éloge de Dutertre, et je m’en revins à Mont-Revêche par une soirée pluvieuse, me trouvant fort sot, mais me croyant guéri. Nous avons devisé une partie de la nuit ; nous avons, si tu t’en souviens, parlé de toi, de moi, d’Éveline, de madame Hélyette. J’ai été, je crois, un peu sentimental et assez vertueux. Et puis je suis rentré dans ma chambre pour me coucher.

» Eh bien, le diable est après moi, mon cher ami : le premier objet que je trouvai sur ma table, c’est un vase rempli de fleurs d’azalée blanche, les mêmes damnées fleurs qui ont fait tout le mal. Ces fleurs venaient de Puy-Verdon ; elles étaient flétries. On les avait mises dans l’eau, où elles commençaient à se relever ; mais elles avaient fait une lieue pour venir dans ma chambre, cela était certain.

» Encore une nuit blanche ! Au petit jour, je me lève, je vais examiner le jardin, celui de la ferme, toute la végétation à la ronde. Pas un brin d’azalée qui puisse, par la main de Manette, s’être introduit sous mon toit. Je rentre, je vois Manette qui ouvrait les jalousies du salon pour procurer le spectacle de l’aube matinale à son perroquet antédiluvien. Je l’interroge, elle ne sait ce que je veux dire.

» Alors la colère me prend. Qu’est-ce donc ? Ou ma-