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de cuisine, mais très-propre, et même parfumé à l’ambre, comme le contenu de tous les tiroirs de la chanoinesse. « Année 1846 !… » dit-il, c’est l’année dernière. « Journal de la semaine… mémoire de Manette ; dépense de table, 12 livres 6 sous… » Pas possible ! pour une semaine ? Voyons donc ! cet ordinaire doit faire frémir ! « Menu du 10 septembre. » Tiens, c’est la date d’aujourd’hui. « Un poulet, une truite, une omelette soufflée… Menu du 11 : une carpe, un perdreau, croquettes de riz… » Et les déjeuners, il n’en est pas question ! Ah ! j’y suis ; les déjeuners se font avec les restes des dîners, du laitage, des œufs… Voyons donc : « Épices, savon, bougie… » Manette est un trésor de probité. Ma portière me compte ma bougie le double… Avec la nourriture, le chauffage, etc., etc., 104, 102, 105 francs par mois… par an, un peu plus de douze cents livres…

— La terre de Mont-Revêche en rapportait deux mille, et ma tante faisait des économies.

— Vive Dieu ! et je ne vivrais pas ici comme Sancho dans son île ! Si fait ! Je passe l’hiver ici, Flavien ; je dépense vingt-cinq louis, et je retourne à Paris avec de l’embonpoint et trois volumes non mangés d’avance ; ma fortune est faite… Et, si tu veux m’en croire, tu resteras avec moi ; tu te reposeras du monde, tu rajeuniras ton sang et ton âme et tu épouseras une des demoiselles Dutertre pour faire une bonne fin.

— Laquelle me cèdes-tu ? dit Flavien en riant. Ah ! que ton punch est fade ! Est-ce Nathalie ou la Benjamine que tu me laisses ?

— On dit que Nathalie fait des vers superbes.

— Pouah !

— Ah çà ! rappelle-toi donc que j’en fais, moi, et dissimule ton mépris.