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agitait ses petits pieds sous sa couverture de satin rose. Nous arrivions à nous endormir toutes deux quand elle s’éveilla en criant que l’homme au violon m’emportait, et qu’elle ne voulait pas. Je dus la prendre dans mon lit pour la consoler. Elle pleurait convulsivement, s’attachait à moi et criait au milieu de ses sanglots :

— Je ne veux pas qu’il t’emporte ! Il faut rester avec ta Sarah, toujours !

Une sueur froide passa sur mon front. Cet homme ne pouvait pas songer à me séparer de cette chère enfant, de mon tendre père, de ma sœur infortunée. Une pourrait jamais m’enlever à mon devoir ; mais était-il donc assez puissant pour emporter mon âme, et les anges qui veillent au chevet de l’enfance avaient-ils révélé à ma Sarah le danger qui nous menaçait ?

À mon réveil, j’étais calmée, et je me trouvai bien vaine et bien folle d’avoir attaché tant d’importance au sentiment que l’artiste m’avait exprimé. N’était-ce pas son habitude de dépasser le réel et de mépriser le sens pratique dans toutes ses manifestations ? Il dépensait toutes ses idées sous forme de variations, et, dans cette manière d’épuiser un thème, il y avait nécessairement, après l’andante affectueux et doux, l’agitato échevelé, les nerfs après le sentiment. Voilà pourquoi, après m’avoir offert son estime et son amitié, il avait osé me réciter le couplet de l’amour et le finale de la