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On leur défend l’amour, et le mariage surtout ; on leur livre les femmes. Ils n’en peuvent avoir une ; et ils vivent avec toutes familièrement, c’est peu, mais dans la confidence, l’intimité, le secret de leurs actions cachées, de toutes leurs pensées. L’innocente fillette, sous l’aile de sa mère, entend le prêtre d’abord, qui, bientôt l’appelant, l’entretient seul à seule, qui, le premier, avant qu’elle puisse faillir, lui nomme le péché… Seuls et n’ayant pour témoins que ces murs, que ces voûtes, ils causent ! De quoi ? Hélas ! de tout ce qui n’est pas innocent. Ils parlent ou plutôt murmurent à voix basse, et leurs bouches s’approchent, et leur souffle se confond. Cela dure une heure et se renouvelle souvent. »

Cette implacable citation de ma mémoire, avec son corollaire sur le rôle du prêtre entre les époux, me fit ressentir tous les aiguillons de la jalousie, et cette première torture de l’amour fut si poignante, que Lucie s’en aperçut et me demanda ce que j’avais.

La présence du grand-père ne me gênant pas pour un entretien de cette nature, je demandai brusquement à Lucie si elle avait un confesseur.

« Eh ! mais oui, sans doute, répondit-elle ; il le faut bien !

— J’aurais cru que vous n’en aviez besoin.

— On a toujours quelque chose à se reprocher.

— Dans le secret de la conscience, dans le fond de la pensée apparemment ; car vos actions, à vous, ne peuvent jamais être mauvaises.

— Franchement, dit-elle en riant, je n’ai pas commis, que je sache, beaucoup de mauvaises actions. Quant aux cas de conscience, si j’en avais, ce ne serait pas à l’abbé Gémyet que je demanderais de les résoudre. Le bonhomme est l’idéal de la simplicité. »

M. de Turdy, comme s’il eût voulu me tranquilliser,