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une femme, livraient toutes les femmes aux convoitises de votre imagination.

« Vous avez combattu avec vaillance, et vous avez triomphé. Je ne puis vous en faire un mérite ; j’admire pourtant votre force, comme j’admire celle d’un équilibriste audacieux, comme j’admire l’éloquence délirante du père Onorio, comme j’admire toutes les manifestations de la puissance humaine, même lorsqu’elle lutte contre sa propre sécurité, contre son propre développement, contre sa propre raison d’être. L’homme est très-fort, monsieur, je le sais, et vous êtes particulièrement fort de volonté ; mais la plante que l’on prive d’air et de lumière et qui pousse des rejets disproportionnés jusqu’à la surface d’une mine est bien forte aussi ; les racines qui percent le ciment et le granit ont aussi une puissance de vitalité où l’on sent le souffle de Dieu. Je ne m’étonne donc pas outre mesure de voir un homme d’honneur tel que vous résister à dix ou vingt ans de tortures pour rester fidèle à un serment qu’il croit indélébile et rester vierge sous les étreintes de ce que vous appelez le démon de la chair.

« Mais, pour être resté vierge, vous croyez être resté pur, cela n’est point. Certaines pensées, que vous les classiez dans la distinction très fictive des péchés volontaires ou des péchés involontaires, souillent et flétrissent l’âme autant et plus que les actes de franche débauche. Prenez-y garde ; dans votre adolescence, la femme vous attirait en même temps qu’elle vous faisait horreur. Vous aviez des envies de l’étreindre et de la tuer ensuite. Si, lorsque dévoré d’amour rétrospectif pour Blanche de Turdy, vous aviez succombé à la fascination de ces jeunes filles que vous suiviez dans la rue jusqu’à leur porte, je ne suis pas sûr que vous n’eussiez pas encore été tenté de les étrangler avant de repasser le seuil de votre perdition.