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lui appartiennes ! Tu es à Dieu, tu es à moi. Je suis ton Christ, je t’aime comme il t’aime, tu vivras avec moi et avec lui parmi les anges, et tu iras à Dieu sans avoir été profanée ? » Voilà ce qu’il fallait faire, voilà ce qu’il fallait me dire. J’avais peur de vous !… je ne sais pas pourquoi ! Je me trompais ; j’étais aux prises avec l’esprit du mal qui voulait m’arracher à Dieu, et qui, parlant par la bouche de mon mari, me disait : « Toutes les dévotes sont amoureuses de leur confesseur quand il est jeune. » Alors, moi, je me disais : « Suis-je donc amoureuse ? » Mais je ne savais ce que c’était que d’être amoureuse ! Vous aviez tué mes sens en me faisant rougir du premier trouble de mes sens ; Je rêvais de vous, je vous voyais étendu sur cette croix à la place du Christ, et dans mes songes je baisais vos blessures, ou j’essuyais vos pieds avec mes cheveux, et je ne me rebutais pas quand vous me disiez : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » Était-ce là de l’amour profane ? Non !… ou bien, si c’en était, il fallait ne pas craindre de m’avertir, de m’éclairer et de me remettre dans la voie. Vous ne vous êtes pas soucié de moi, vous disiez m’aimer si tendrement, et vous m’avez abandonnée ! — Et à présent que vous savez mes troubles et mes douleurs, vous me chassez du confessionnal en me disant que vous ne voulez pas vous damner avec moi, et vous ne revenez que parce que mon mari vous ramène ! Non ! vous m’avez menti, vous ne m’avez jamais aimée ! Vous n’aimiez rien que vous-même, vous vous sauveriez seul, en toute sécurité d’orgueil et d’égoïsme, sur les ruines d’un monde ! Et moi, je suis perdue, je suis damnée, vous l’avez dit. Je n’estime rien sur la terre, je ne suis bonne à rien, je ne peux pas être une mère de famille, je ne peux plus devenir une sainte. Votre cœur me repousse, le ciel se ferme et l’enfer m’appelle. Laissez-moi