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et je ne crois pas que ma fille consente jamais à un mariage mixte. L’hérésie, monsieur, est quelquefois plus dangereuse que l’athéisme. Elle est une révolte, et tout ce qui est rébellion, est licence… »

Je vous fais grâce du discours dont nous a régalés, vingt minutes durant, ce Mars-Prudhomme. Il a fallu y passer et entendre tout cela sans sourire et sans impatience. Nous avons fait merveille, Émile et moi. Je ne le croyais pas si patient, et je ne me savais pas si grave. Le plus beau de l’affaire, c’est que nous n’avons jamais pu obtenir une conclusion. Il s’est si bien embrouillé dans les feux de file, tantôt disant qu’il espérait la conversion d’Émile et la vôtre, tantôt se retranchant sur la prétendue incertitude de Lucie, greffant maximes sur axiomes et ne décidant rien, que nous avons pris le parti de nous retirer en lui disant que nous attendrions le résultat de ses réflexions. C’était une pauvre sortie ; mais nous étions enfermés dans un cercle vicieux, ou l’envoyer au diable, ou y être envoyés nous-mêmes ; et votre fils, qui ne veut pas compromettre sa cause et qui n’a pas été admis à la plaider, n’a d’espoir que dans la résolution de Lucie et la protection du grand-père.

Le plus triste de la soirée, c’est qu’Émile n’a pu échanger un mot avec mademoiselle La Quintinie. Le général a surveillé notre retraite de la façon la plus désobligeante, et nous voilà rentrés moins avancés qu’au départ. Si demain Émile n’obtient pas plus de lumière sur les intentions de l’homme de guerre, il vous demandera probablement de venir à son aide, et je crois que vous jugerez le moment opportun, car bien véritablement la jeune personne lui est très-attachée, et c’est une femme de mérite.

Agréez, cher et respecté ami, le dévouement sans bornes de votre

Henri.