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tez une récompense. Je vous emmène avec votre mère dans la montagne. Il est temps que vous connaissiez ce beau pays qui est le vôtre, — car ma famille y a vécu de père en fils, — et que vous n’avez encore vu que de loin. Il est temps aussi que vous connaissiez vos propriétés ; car, Dieu merci, nous ne sommes plus des malheureux, et votre père, qui n’est pas un endormi, a su vous gagner quelque chose.

C’est la première fois qu’il parlait ainsi, et je fus étonné de voir le visage de ma mère rester triste et froid, comme si elle eût trouvé à blâmer dans la joie de mon père. Ils s’aimaient pourtant beaucoup et ne se querellaient jamais.

C’était en 1835 ; j’avais alors treize ans, je commençais à réfléchir ; je commençais à observer. Voici ce que, en écoutant et en commentant sans questionner et sans avoir l’air curieux, je découvris peu à peu, à partir de ce moment-là.

Ma mère, qui avait été élevée dans une famille riche, était très-supérieure comme éducation à ce beau montagnard qu’elle avait épousé par amour. Ils s’entendaient en toute chose, hormis une seule, la principale, hélas ! sa vie d’absences continuelles.

Pourquoi ces absences ? Il n’avait aucun vice. Il respectait et chérissait sa femme, cela était évident. Il