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lettres à marcie



VI


Les femmes, dites-vous, ne sont pas philosophes et ne peuvent pas l’être. Si vous ramenez le mot de philosophie à son sens primitif, amour de la sagesse, je crois que vous pouvez, que vous devez cultiver la philosophie. Je sais qu’aujourd’hui on donne le titre de philosophes aux hommes les moins voués à la pratique de la force et de la vertu. Il suffit qu’on ait étudié ou professé la science des sages, ou seulement qu’on ait rêvé quelque système de législation fantastique, pour être gratifié du titre que portèrent Aristote et Socrate. Mais l’œuvre de la philosophie est ouverte à vos regards, et vous pouvez y puiser tous les secours dont votre âme a besoin. C’est une œuvre immense, éternelle ; une sorte d’encyclopédie de l’intelligence commencée avec le monde, et à laquelle le progrès de chaque siècle, résumé par la parole ou l’action de ses grands hommes, vient apporter son tribut de matériaux. Ce travail ne finira qu’avec la race humaine, et il faudrait nier la raison et la vérité avant de prouver que cette seule vraie richesse, ce seul légitime héritage de l’humanité n’est accessible qu’à certains élus. Chaque âge, chaque sexe, chaque position sociale y doit trouver un aliment proportionné à ses forces et à ses besoins. On enseigne la philosophie aux jeunes garçons ; on devrait nécessairement l’enseigner aux jeunes filles.