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désir et qu’un vœu, c’est que, n’importe sous quel nom et à quel titre, il vive près de moi. Je consentirai à tout, pourvu que je ne sois plus séparée de lui. J’accepterai même ses soupçons, si, malgré lui, il lui arrive d’en concevoir. Je suis sûre qu’il les combattra en lui-même et ne m’en aimera pas moins.

— Il est possible, répondis-je, que l’éducation qu’il a reçue lui fasse surmonter les inquiétudes que vous redoutez : mais madame ne pense qu’à celles de M. Gaston : elle me paraît oublier celles que peut concevoir M. Roger.

Madame de Flamarande qui marchait auprès de moi, sur le chemin de la montagne, pendant que les voitures prises à Murat suivaient au pas le corbillard avec nos autres compagnons de voyage, s’arrêta brusquement, comme si je lui eusse poussé un serpent sous les pieds.

— Roger ? s’écria-t-elle, Roger me soupçonnerait ? Voilà à quoi je n’ai jamais songé, par exemple !… Ah ! ne dites jamais ce mot-là, Charles ; Roger aura toujours foi en sa mère comme en Dieu.

— Il est vrai que madame la comtesse peut compter sur sa tendresse beaucoup plus que sur celle de M. Gaston.

— Je ne dis pas cela, mais Gaston ne me connaît que par l’instinct de son cœur, et Roger me connaît comme lui-même. Il ne m’a jamais quittée, il a été