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exemple ! Vous n’êtes pas sans avoir fréquenté le salon bleu d’Arténice ?

D’Alvimar put répondre qu’il était reçu chez la marquise, sans manquer à la vérité. Son esprit et son savoir lui avaient ouvert les portes du Parnasse à la mode ; mais il n’y avait pas pris pied, son intolérance s’étant dévoilée trop vite dans ce sanctuaire de l’urbanité française.

D’ailleurs, il avait peu de goût pour la bergerie littéraire. L’ambition du siècle le rongeait, et la pastorale, qui est un idéal de repos et d’humble loisir, n’était point du tout son fait. Aussi se sentait-il pris de fatigue et de sommeil, lorsque Bois-Doré, enchanté d’avoir à qui parler, se mit à lui réciter des pages entières de l’Astrée.

— Quoi de plus beau, s’écriait-il, que cette lettre de la bergère à son amant :

« Je suis soupçonneuse, je suis jalouse, je suis difficile à gagner et facile à perdre, et plus aysée à offenser, et très-malaysée à rapaiser. Il faut que mes volontés soient des destinées, mes opinions des raisons et mes commandements des lois inviolables. »

Voilà du style ! et quelle belle peinture d’un caractère !… Et la suite, monsieur, n’est-ce point toute la sagesse, toute la philosophie et la moralité dont un homme ait besoin ? Écoutez ceci, que répond Sylvie à Galatée :

« Il ne faut point douter que ce berger ne soit amoureux, étant si honnête homme ! »

Comprenez-vous bien, monsieur, la profondeur de cette devise ? Au reste, Sylvie l’explique elle-même :

« L’amant ne désire rien tant que d’être aymé ; pour être aymé, il faut qu’il se rende aimable, et ce qui rend aimable est cela même qui rend honnête homme. »