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impatienté de cette défection de son ami. Or, j’avais dix ans de moins que vous, mon voisin, et je n’y étais pas ; j’étais page du vaillant Condé, l’aïeul de celui-ci, et un autre homme, je vous jure.

— Voyons, dit Lauriane, qui hasarda une grande malice pour apaiser son père et détourner la querelle de son objet principal : il faut que notre marquis se confesse d’avoir été au siége de Sancerre et de s’y être vaillamment comporté, car tout le monde le sait, et c’est par modestie qu’il ne veut pas s’en souvenir.

— Vous savez bien que je n’y étais pas, reprit Bois-Doré, puisque j’étais ici avec vous.

— Oh ! je ne parle pas du dernier siége, celui qui n’a duré que vingt-quatre heures, au mois de mai passé, et qui n’a été que le coup de grâce ; je parle du grand, du fameux siége de l’an 1572.

Bois-Doré avait horreur des dates. Il toussa, s’agita, releva le feu, qui n’était pas tombé ; mais Lauriane était résolue à l’immoler sous les fleurs de la louange.

— Je sais bien, dit-elle, que vous étiez fort jeune, mais vous vous battiez déjà comme un lion.

— Il est vrai que mes amis firent merveille, répondit Bois-Doré, et que l’affaire fut très-chaude ; mais je n’y frappai pas bien fort, malgré mon bon vouloir, à l’âge que j’avais…

— Mordi ! vous y fîtes vous-même deux prisonniers ! s’écria de Beuvre en frappant du pied. Tenez, j’enrage ma vie quand je vois un homme de guerre et de cœur comme vous renier ses bonnes prouesses plus tôt que d’avouer son âge !

Bois-Doré fut vivement blessé, et sa figure s’attrista ; c’était sa seule manière de témoigner son déplaisir à ses amis.