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dans le pavillon attenant à la petite galerie de la chapelle.

L’armoire qui contenait le portrait n’était qu’un de ces carrés de planches en relief sur la muraille, où, dans les églises de villages, on serre la bannière des processions. Elle l’ouvrit précipitamment, plaça convenablement sa bougie et regarda l’infâme.

La peinture était belle. César et Lucrèce Borgia sont les contemporains de Raphaël et de Michel-Ange, et ce portrait, un peu sèchement étudié, était dans la première manière de Raphaël. Il appartenait à la même école.

La figure du duc de Valentinois ne présentait pas ces taches livides et ces pustules hideuses qui décrivent certains historiens, ni ces yeux louches « brillant d’un infernal éclat que même ses compagnons et ses familiers ne pouvaient supporter. » Soit que l’artiste l’eût flatté, soit qu’il l’eût peint à une époque de sa vie où le vice et le crime ne « suintaient » pas encore sur son visage, il ne l’avait pas fait laid. Il avait montré le cardinal-bandit de profil, et celui de ses yeux qu’il avait copié regardait droit devant lui.

La face était pâle, horriblement pâle et maigre, le nez étroit et acéré, la bouche sans lèvres, tant elles étaient incolores et minces, le menton anguleux, le type distingué, les traits assez purs, la moustache et la barbe rouges, délicatement plantées. Mais, vue ainsi sous l’aspect le plus favorable, cette tête de scélérat était peut-être plus repoussante encore que si elle eût été rongée de lèpre. Elle était calme et pensive, et le front ne rappelait en rien la tête plate de la vipère.

Non, non, c’était bien pis : c’était une tête d’homme bien conformée, avec toutes les facultés de l’intelligence admirablement développées pour le mal. L’œil, long