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d’aise et de trouble, de joie et de douleur, d’espoir et de crainte. Lorsque j’offris, il y a deux jours, mon cœur, mon nom et ma fortune à la plus aimable des nymphes, je me croyais libre de tout autre devoir et affection. Mais…

Ici, le marquis fut interrompu.

— Ouais ! monsieur mon gendre, s’écria de Beuvre en affectant une grande colère et en roulant des yeux terribles, vous moquez-vous du monde, et pensez-vous que je sois homme à vous laisser reprendre votre parole, après avoir décoché le trait mortel de l’amour dans le cœur de ma pauvre fille ?

— Oh ! taisez-vous, monsieur mon père ! dit gaiement et doucement Lauriane ; vous me compromettez. Heureusement le marquis ne croira pas que je sois si capricieuse qu’après lui avoir demandé sept ans de réflexions, je me trouve déjà pressée de le sommer de sa parole.

— Laissez-moi parler, dit le marquis en prenant la main de Lauriane dans la sienne ; je sais, ma souveraine, que vous n’avez nul amour dans le cœur, et c’est ce qui me donne la hardiesse de vous demander mon pardon. Et vous, mon voisin, riez de toutes vos forces, car l’occasion est belle ! Et je rirai avec vous aujourd’hui, bien qu’hier j’aie versé beaucoup de larmes.

— Vrai, mon voisin ? dit le bon de Beuvre en lui prenant son autre main. Si vous parlez sérieusement comme vous en avez l’air, je ne rirai plus. Avez-vous quelque peine dont on puisse vous aider à sortir ?

— Dites, mon cher Céladon, ajouta Lauriane d’un air affectueux : contez-nous vos chagrins !

— Mes chagrins sont dissipés, et, si vous me gardez votre amitié, je suis le plus fortuné des hommes. Eh