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pas le temps d’appeler à l’aide, tant l’horrible meurtre fut vite expédié. Mon frère s’efforçait de faire avancer le cheval, lorsque les assassins l’atteignirent. Le plus jeune mit pied à terre, lui disant avec une hypocrite courtoisie :

«

— Eh ! mon pauvre homme, votre bête est fourbue. Ne vous faut-il point de l’aide ? »

Le vieux drôle qui le suivait descendit aussi, et, comme s’ils eussent voulu pousser bonnement à la roue, tous deux se rapprochèrent de mon frère, qui ne se méfiait point, et, au même instant, le témoin que le ciel avait mis là le vit trébucher et tomber de son long entre les roues, sans qu’un seul cri pût faire croire qu’il eût été frappé. Ce poignard lui avait été planté dans le cœur jusqu’au manche, par une main qui en connaissait trop bien l’exercice.

— Alors, vous ne savez point qui, du maître ou du valet, porta le coup ? Vous dites que le maître était fort jeune ; il n’est point à croire que ce fût lui.

— Peu m’importe, messire. Je les tiens pour aussi vils l’un que l’autre ; car le gentilhomme se conduisit entièrement comme le laquais. Il s’élança dans la voiture sans se donner le temps de reprendre son arme, pressé et enragé qu’il était de voler les deux coffrets. Il les jeta à son camarade, qui les mit sous son manteau, et tous deux prirent la fuite, retournant sur leurs pas, aiguillonnés, non point par le remords ou la honte, sentiments humains qu’ils n’étaient point capables de ressentir, mais par la peur du fouet et de la roue, qui sont la récompense et la fin de telles engeances !

— Vous en avez menti, monsieur ! s’écria, en se levant, d’Alvimar hors de lui et pâle de rage. Le fouet et