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du moins elle était capable aussi de réagir et de trouver un solide appui dans sa conscience.

Elle passa donc le reste de la journée sans être touchée des insinuations galantes de d’Alvimar, et même il lui sembla qu’en donnant son poignard au marquis comme un gage d’une généreuse amitié, elle s’était débarrassée de quelque chose qui la troublait et lui brûlait les mains. Elle eut soin de ne plus se trouver seule avec l’Espagnol, et de n’encourager aucun des efforts qu’il fit pour ramener la conversation sur les délicates banalités de l’amour.

D’ailleurs un incident vint rompre tout entretien particulier et distraire la compagnie.

Un jeune bohémien se présenta, demandant à réjouir l’illustre assistance par l’exercice de ses talents ; je crois même que le drôle disait « son génie. »

À peine fut-il introduit, que d’Alvimar reconnut le jeune vagabond qui avait servi de truchement entre M. d’Ars et la Morisque, sur la bruyère de Champillé, et qui avait déclaré être Français et s’appeler La Flèche.

C’était un gars d’une vingtaine d’années, assez joli garçon, quoique flétri déjà par la débauche ; l’œil était pénétrant, effronté, la bouche plate et perfide, la parole sotte, impudente et railleuse ; du reste, bien fait dans sa petite taille, adroit de son corps comme un mime et de ses mains comme un larron ; intelligent en toutes choses servant à mal faire ; crétin en face de tout travail utile ou de tout bon raisonnement.

Ce personnage, comme tous ceux de son état, possédait quelques guenilles de rechange dont il se faisait un costume de fantaisie pour se livrer à ses exercices.

Il se présenta donc vêtu d’une sorte de cape génoise doublée de rouge, et coiffé d’un de ces chapeaux effarouchés,