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— Voyez, voyez ! César Borgia ! c’est lui en personne !

Lucilio, qui avait vu maintes fois à Rome le portrait peint par Raphaël, fut encore plus à même de saisir cette ressemblance, et fit signe de la tête qu’il en était vivement frappé.

— Mais quoi, monsieur ? dit la jeune dame, tout émue, à l’Espagnol triomphant ; vous croyez-vous ici au cœur d’une forêt, et pensez-vous m’être agréable en me présentant la tête ou les pattes d’un animal que j’ai nourri de mes mains et caressé encore tout à l’heure devant vous ? Fi ! vous n’avez point de civilité, et, avec ce couperet tout sanglant, vous avez l’air d’un boucher plus que d’un gentilhomme !

Lauriane était en colère, elle ne sentait plus que de l’aversion pour cet étranger.

Lui, sortant comme d’un rêve, s’excusa en disant que ce loup avait voulu le dévorer ; que c’était une mauvaise compagnie en une maison, et qu’il était content d’avoir délivré madame d’un accident qui eût pu arriver à elle aussi bien qu’à lui.

— Vous a-t-il donc attaqué ? reprit-elle en regardant Lucilio, qui faisait signe que oui. — Alors, il vous a donc mordu ? dit-elle encore ; où est la blessure ?

Et, comme d’Alvimar n’avait pas été touché, elle s’indigna de la frayeur qu’il avait eue d’une bête encore si jeune et si peu dangereuse.

— Le mot de frayeur n’est pas très-juste, répondit-il avec une sorte de rage ; je ne croyais pas qu’on pût le jeter à celui qui tient encore l’arme de mort ?

— Vous voilà bien fier d’avoir tué ce louveteau ! Un enfant l’eût fait, et la chose lui serait pardonnable, mais non point à un homme, à qui un coup de fouet eût suffi pour s’en débarrasser. Je le dis, messire, vous avez eu