Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/166

Cette page n’a pas encore été corrigée

son cœur n’avait pas encore senti les ennuis de la solitude, et elle était beaucoup plus enfant qu’elle n’en avait l’air. Elle trouva fort plaisant le langage hyperbolique de d’Alvimar, et se prit à rire de sa galanterie avec un entrain qui le déconcerta.

Il vit que ses phrases ne faisaient pas fortune, et s’efforça de parler d’amour plus naturellement.

Peut-être en fût-il venu à bout et peut-être eût-il amené quelque trouble dans cette jeune âme ; mais Lucilio vint tout à coup, comme envoyé par la Providence, rompre ce dangereux entretien par les douces notes de sa sourdeline.

Il n’avait pas voulu venir avec Bois-Doré, sachant qu’on le ferait dîner à l’office et qu’il ne verrait pas Lauriane avant midi.

Lauriane, pas plus que son père, n’ignorait la tragique histoire du disciple de Bruno, et, à l’exemple de Bois-Doré, on affectait, à la Motte-Seuilly, de le traiter comme un simple artiste, dans la crainte de le compromettre, bien que l’on fît de lui le cas qu’il méritait.

Lucilio était le seul qui n’eût pas songé à faire toilette pour la circonstance. Il n’avait aucun espoir de se faire remarquer, et même il n’avait aucun désir d’attirer les yeux sur sa personne, sachant bien que le commerce mystérieux des âmes était le seul auquel il pût prétendre.

Aussi approcha-t-il de l’if sans vaine timidité et sans fausse discrétion ; et, comptant sur la vérité et sur la beauté de ce qu’il avait à dire en musique, il se mit à jouer, au grand déplaisir et au grand dépit de d’Alvimar.

Lauriane aussi fut un instant contrariée de cette interruption ; mais elle se le reprocha en voyant sur la