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pour éloigner le reproche de précipitation, de retarder de trois mois le bonheur des deux fiancés, et de conduire sa filleule dans le monde. Ce retard n’effraya point le duc, mais contraria vivement la marquise, qui était impatiente d’ouvrir un vrai grand salon pour son compte, avec une belle-fille charmante qui attirerait de jeunes visages autour d’elle. Madame d’Arglade, prétextant des affaires, se fit moins assidue, et Caroline reprit ses fonctions.

Elle était beaucoup moins impatiente que la marquise d’habiter l’hôtel de Xaintrailles et de changer ses habitudes. Le marquis n’était pas décidé à accepter un appartement chez son frère, et ne s’expliquait pas sur ses projets personnels. Caroline s’en effrayait, et cependant elle voyait, dans ce peu d’empressement à se retrouver sous le même toit qu’elle, la preuve du sentiment calme qu’elle exigeait de lui ; mais elle en était arrivée à cette phase de l’affection où la logique se trouve bien souvent en défaut au fond du cœur. Elle jouissait en silence de ses derniers beaux jours, et quand le printemps arriva, pour la première fois de sa vie, elle regretta l’hiver.

Mademoiselle de Xaintrailles avait pris en grande estime et en grande amitié mademoiselle de Saint-Geneix, et tout au contraire elle éprouvait une aversion prononcée pour madame d’Arglade, qu’elle rencontrait de loin en loin, le matin, chez sa future belle-mère, où elle-même ne venait pas officiellement, mais seulement aux heures de l’intimité, avec ma-