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vous meurtrit. Le grand a des torts ; il est naïf mais encombrant. La tempête croit vous arroser, elle vous noie. L’astre croit vous éclairer, il vous éblouit et quelquefois vous aveugle. Le trop n’est pas commode. L’habitation de l’abîme est rude. L’infini est peu logeable. — Le génie est intolérant à force d’être lui-même. Quelle familiarité voulez-vous qu’on ait avec Eschyle, avec Ézéchiel, avec Dante ? — Le moi, c’est le droit à l’égoïsme. Or, la première chose que font ces êtres, c’est de rudoyer le moi de chacun. Exorbitants en tout, en pensées, en images, en convictions, en émotions, en passion, en foi, quel que soit le côté de votre moi auquel ils s’adressent, ils le gênent. Votre intelligence, ils la dépassent ; votre conscience, ils la fouillent ; vos entrailles, ils les tordent ; votre cœur, ils le brisent ; votre âme, ils l’emportent. »

Eh bien, oui, c’est vrai. Ne vous étonnez pas des souffrances de la médiocrité, vous qui savez si bien analyser et constater les antithèses de la nature. Autour du fort, il y aura toujours les faibles, et l’ombre des grands chênes gênera toujours les