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était redevenu apparent et pointait au beau milieu du cercle lumineux comme une aiguille noire dans un anneau d’or.

L’admiration et la surprise avaient fait taire la crainte. Nos Esquimaux, impatients d’atteindre ce monde magique, s’efforçaient de ramer, bien que la puissance du courant suppléât à leurs vaines tentatives. Quand le jour revint, ils se découragèrent de nouveau : le pic était aussi loin que la veille, et il semblait même qu’il reculât à mesure que nous avancions. Il fallut naviguer encore ainsi plusieurs jours et plusieurs nuits ; enfin cette cime effrayante parut s’abaisser : c’était un signe d’approche bien certain. Peu à peu surgirent de l’horizon d’autres montagnes moins hautes derrière lesquelles la cime principale se masqua entièrement, et une terre d’une étendue considérable se déploya à nos regards. Dès lors, chaque heure qui nous en rapprochait fut une heure de certitude et de joie croissantes. Nous distinguions, avec la lunette, des forêts, des vallées, des torrents, un pays luxuriant de végétation, et la chaleur devint