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heure, nous rentrions dans l’obscurité la plus complète et la plus effrayante.

Dans un de ces moments-là, je ressentis un subit accès de lassitude, de désespoir ou d’irritation. Jugeant que je ne reverrais plus la lumière et me disant que j’étais aveugle ou fou, je commençai à me délier dans l’intention vague de me délivrer de l’existence ; mais tout aussitôt la voûte glacée cessa de m’abriter, et je vis distinctement Laura courant près de moi. J’eus à peine la force de pousser un cri de joie et de tendre les bras vers elle.

― En avant ! en avant ! me cria-t-elle.

Et machinalement je fouettai mes chiens, quoiqu’ils fissent déjà au moins six milles à l’heure. Laura courait toujours à ma droite, me devançant à peine d’un ou deux pas. Je voyais nettement sa figure, qu’elle retournait sans cesse vers moi pour s’assurer que je la suivais. Elle était debout, les cheveux flottants, le corps enveloppé d’un manteau de plumes de grèbe qui formait autour d’elle les plis épais et satinés d’une neige nouvellement tom-