pensa-t-elle. Comment concilier tant de bonté dans la vie privée, avec tant de dureté et de despotisme dans la vie publique ? Elle tomba dans la rêverie, et peu à peu, oubliant le roi, et songeant à elle-même, elle se retraça confusément les événements de la veille et se remit à pleurer.
« Eh quoi ! Mademoiselle, lui dit la soubrette qui était une bonne créature passablement babillarde, vous allez encore sangloter comme hier soir en vous endormant ? Cela fendait le cœur, et le roi, qui vous écoutait à travers la porte, en a secoué la tête deux ou trois fois comme un homme qui a du chagrin. Pourtant, Mademoiselle, votre sort ferait envie à bien d’autres. Le roi ne fait pas la cour à tout le monde ; on dit même qu’il ne la fait à personne, et il est bien certain que le voilà amoureux de vous !
— Amoureux ! que dis-tu là, malheureuse ? s’écria la Porporina en tressaillant ; ne répète jamais une parole si inconvenante et si absurde. Le roi amoureux de moi, grand Dieu !
— Eh bien ! mademoiselle, quand cela serait ?
— Le ciel m’en préserve ! mais cela n’est pas et ne sera jamais. Qu’est-ce que ce rouleau, Catherine ?
— Un domestique l’a apporté de grand matin.
— Le domestique de qui ?
— Un domestique de louage, qui d’abord n’a pas voulu me dire de quelle part il venait, mais qui a fini par m’avouer qu’il était employé par les gens d’un certain comte de Saint-Germain, arrivé ici d’hier seulement.
— Et pourquoi avez-vous interrogé cet homme ?
— Pour savoir, Mademoiselle !
— C’est naïf ! laisse-moi. »
Dès que la Porporina fut seule, elle ouvrit le rouleau et y trouva un parchemin couvert de caractères bizarres