Page:Sand - La Filleule.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour se rattacher à Algénib ; mais, comme il supposait leur liaison plus intime, il désirait qu’elle fût franchement acceptée.

— Morenita a raison, dit-il, nous voyagerons tous ensemble. Je vais chercher la voiture que nous avons laissée sur le chemin. Préparez-vous tous trois à y monter avec moi.



XIV


FRAGMENTS DES MÉMOIRES DE STÉPHEN


La révolution de février n’avait rien changé à nos paisibles habitudes, et nous passâmes presque toute l’année 1848 à Briole, heureux quand même dans notre intérieur, bien qu’attristés et consternés par le retentissement des discordes civiles.

Je n’étais pas, je n’ai jamais été un homme politique. J’ai les mœurs trop douces pour ce rude métier. Je les trouve naïfs, ces gens qui vous disent qu’il ne faut que de la volonté et du courage pour être un instrument actif dans l’œuvre du progrès de son siècle. Je ne crois pas manquer de volonté, je ne crois pas manquer de courage, ni au moral, ni au physique ; mais il est des temps de fatalité dans l’histoire où la lutte des idées disparaît derrière la lutte des passions. Ce ne sont plus tant les systèmes qui se combattent que les hommes qui se haïssent. Puis viennent des jours néfastes où ils s’égorgent, et le lendemain, ivres ou brisés dans la défaite ou la victoire, ils se demandent avec effroi pour quelle cause, pour quel principe ils ont commis ce parricide !

Je ne sais point haïr. Je ne le peux pas. Je n’en fus pas