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vanité au fond des yeux, quand on vous dit que vos mains sont des chefs-d’œuvre de la nature.

Moi, j’ai une bien petite main, si petite que je défie toutes celles de France et de Navarre de mettre mon gant. Mais, mon Dieu, qu’elle est grêle et jaunâtre ! Ils disent que je suis de race indienne par ma mère… Et voilà mon parrain qui s’en va dans la mer des Indes conduire une mission scientifique ! Qui sait s’il ne verra pas là ma vraie mère, s’il ne me la ramènera pas ! C’est peut-être une surprise qu’on me ménage ! Moi, je crois à tout ce qui me passe par la tête. Il y a des moments où je crois que mon parrain est mon père. Il y a des gens qui le croient aussi ou qui se l’imaginent. Pourtant… ma mère est morte. Oui, mamita me l’a dit si sérieusement, encore aujourd’hui, que cela est certain… Mais mon père ? Non, ce n’est pas Stéphen, il n’est pas assez riche pour…


21 août.

Pour… Que voulais-je dire hier ? — Si c’est ainsi que j’écris mon journal, je n’aurai jamais le temps de me rendre compte de tout. Je vois, en relisant ce que je n’ai pu continuer hier soir, grâce au sommeil qui m’a écrasée tout d’un coup, que je n’ai fait que babiller avec moi-même, comme font les serins en cage, et que je n’ai rien raconté au papier de l’emploi de ma journée.

N’importe. Celle d’aujourd’hui n’a rien amené de bien intéressant. Je vais reprendre celle de mon anniversaire ; ce n’est pas tous les jours fête.

J’étais à peine levée, que mes deux mamans sont venues m’embrasser et me dire qu’il fallait me dépêcher de m’habiller, parce qu’il y avait en bas quelque chose pour moi.

C’était le cadeau mystérieux de tous les ans, le cadeau de mon père ; car il existe, celui-là, il s’occupe de moi, il me