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J’écoutai, et il me fallut quelques instants pour me rendre compte de la langue qu’elle lisait, car elle la prononçait à la manière anglaise, et, tout en voyant bien que ce n’était pas de l’anglais, j’hésitais à m’y retrouver, mais, au bout de deux phrases, le doute n’était plus possible : elle lisait du grec avec autant de facilité et d’habitude que sa propre langue.

Du grec ! une fille de seize ans ! Je me sentis devenir Chrysale de la tête aux pieds. Puis tout aussitôt je plaignis Love.

— Ah ! mon Dieu ! pensai-je, ce père, ingénument personnel, l’a élevée pour ses besoins, à lui, bien plus que pour son bonheur, à elle ! La pauvre enfant est si modeste, que personne ne se doute de son savoir. Elle n’a pas eu le choix de ce qu’on lui a fait apprendre ; elle est docile, intelligente, humble, voilà tout. Ce grec l’ennuie, elle ne le comprend peut-être pas : elle sait les caractères et la prononciation, ce qu’il faut seulement pour faire une lecture à demi-voix.

Mais M. Butler s’agita un peu, et dit en grec à sa fille :

— C’est assez, repose-toi.

À quoi elle répondit en grec :

— Je ne suis pas fatiguée, mais je lirai encore plus bas. N’écoutez pas ; tâchez de vous endormir.

Ce n’était pas le moment de réveiller les esprits du