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l’opéra de Guillaume Tell ; et quand l’artiste, hardi novateur dans sa partie, rejette l’innovation sur un autre point, de même que quand le penseur, bouillant à s’élancer dans l’inconnu de ses croyances, recule devant la nouveauté d’une tentative d’art, nous crions à l’inconséquence et nous dirions volontiers :

« Toi, artiste, je condamne tes œuvres d’art, parce que tu n’es pas de mon parti et de mon école ; toi, philosophe, je nie ta science, parce que tu n’entends rien à la mienne. »

C’est ainsi qu’on juge trop souvent, et trop souvent la critique écrite arrive pour donner la dernière main à ce système d’intolérance si parfaitement déraisonnable. Cela était surtout sensible il y a quelques années, lorsque beaucoup de journaux et de revues représentaient beaucoup de nuances d’opinions. On eût pu dire alors : « Dis-moi dans quel journal tu écris, et je vais te dire quel artiste tu vas louer ou blâmer. »

On m’a bien souvent dit à moi :

« Comment pouvez-vous vivre et parler avec tel de vos amis qui pense tout au rebours de vous ? Quelles concessions vous fait-il, ou quelles concessions n’êtes-vous pas forcée de lui faire ? »

Je n’ai jamais fait ni demandé la moindre concession, et si j’ai quelquefois discuté, c’est pour m’instruire en faisant parler les autres, m’instruire, non pas en ce sens que j’acceptais toujours toutes leurs solutions, mais en ce sens