Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée

dont on a l’aspiration en soi-même, ou toutes les douleurs dont on a vu ou senti la blessure. Mais, en aucun cas, il ne faut l’avilir dans le hasard des événemens ; il faut qu’il meure ou qu’il triomphe, et on ne doit pas craindre de lui donner une importance exceptionnelle dans la vie, des forces au-dessus du vulgaire, des charmes ou des souffrances qui dépassent tout à fait l’habitude des choses humaines, et même un peu le vraisemblable admis par la plupart des intelligences.

En résumé, idéalisation du sentiment qui fait le sujet, en laissant à l’art du conteur le soin de placer ce sujet dans des conditions et dans un cadre de réalité assez sensible pour le faire ressortir, si, toutefois, c’est bien un roman qu’il veut faire.

Cette théorie est-elle vraie ? Je crois que oui ; mais elle n’est pas, elle ne doit pas être absolue. Balzac, avec le temps, m’a fait comprendre, par la variété et la force de ses conceptions, que l’on pouvait sacrifier l’idéalisation du sujet à la vérité de la peinture, à la critique de la société et de l’humanité même.

Balzac résumait complétement ceci, quand il me disait, dans la suite : « Vous cherchez l’homme tel qu’il devrait être ; moi, je le prends tel qu’il est. Croyez-moi, nous avons raison tous deux. Ces deux chemins conduisent au même but. J’aime aussi les êtres exceptionnels ;