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— Je n’en puis être sûr, tant pis pour elle ! Une femme d’esprit sait toujours empêcher un homme de concevoir des espérances et de troubler la quiétude du mari ; mais c’est trop discuter. Je suis venu m’établir ici pour être dans le véritable sanctuaire de mes souvenirs. C’est ici que j’ai fermé les yeux de ma mère, la femme sans reproche et sans faiblesse. Elle m’approuverait aujourd’hui et mon père m’aiderait. Refusez-vous de m’aider, Charles ?

— J’obéirai, monsieur le comte, mais à une condition essentielle : c’est que vous signerez la déclaration que j’ai préparée après mûre réflexion, pour votre décharge et pour la mienne, au cas où nous serions découverts.

Voici ce que j’avais préparé :

« Moi, comte Adalbert de Flamarande, je déclare que Louis-Gaston de Flamarande, mon fils, est envoyé par moi dans le Midi pour y être élevé dans les conditions d’hygiène particulières que je crois nécessaires pour le préserver du mal héréditaire dont mon père est mort, et dont j’ai souffert toute ma vie. En faisant le sacrifice de l’éloigner momentanément de moi, je crois remplir mon devoir envers lui. »

Le comte hésita beaucoup à signer cette petite page. Elle lui semblait hypocrite et lâche. Il prétendait ne pas vouloir mentir. Je lui dis qu’en faisant passer l’enfant pour mort, il mentirait bien davantage.