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beaucoup d’aisance, avec cette grâce qu’ont les vrais gentilshommes, et qui remplace la courtoisie en masquant la timidité. Comme madame avait un peu peur du précipice, M. de Salcède la pria de prendre son bras gauche, afin qu’il pût se trouver entre elle et l’abîme, et il lui dit qu’il craignait pour elle le mauvais gîte de Flamarande. Le château était encore en partie debout, mais les appartements étaient fort délabrés, le père d’Adalbert ne l’ayant visité que rarement, et la famille ayant, dès le siècle dernier, renoncé absolument à l’habiter.

Je ne pus entendre la suite de leur conversation, monsieur m’ayant appelé pour aller chercher l’ombrelle de madame, restée dans la calèche, qui nous suivait lentement ; même elle s’était arrêtée pour faire souffler les chevaux, et je dus courir pour rejoindre mes maîtres, qui étaient déjà loin.

Quand je les atteignis, ils étaient fort gais. Madame se réjouissait de passer la nuit dans un manoir probablement hanté et d’entendre le cri des hiboux en s’endormant. Monsieur disait qu’il voulait lui procurer une apparition pour éprouver son courage. M. de Salcède assurait avoir très-bien dormi dans le donjon, qui était plus propre que le château, vu qu’il n’y avait pas de meubles ; il s’y était fait mettre un bon lit de paille et se louait de l’hospitalité des fermiers.

— Eh bien, lui dit M. le comte, puisque tu y dors si bien, il faut y dormir encore cette nuit. Je ne