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mesure de m’éclairer quand j’aurai recours à vous.

Il me sembla en ce moment que M. de Flamarande, en ayant l’air de me rapprocher de lui, tendait, sans s’en rendre compte, à m’avilir ; mais cette pensée, qui me revient sérieuse aujourd’hui, ne fit alors que traverser mon esprit. L’amour-propre l’emporta ; je me promis, avec une sorte d’orgueil, d’être au besoin espion au service de mon maître, et je ne fis plus d’objection.

En même temps je me demandai naturellement de qui ou de quoi M. le comte se méfiait au point d’avoir besoin d’un espion ; j’avais beau lui chercher des ennemis, je ne lui en connaissais pas encore. Il fallait donc qu’il fût tourmenté par la jalousie conjugale. Je ne me trompais pas.

Mais de qui pouvait-il être jaloux ? S’il l’était de tout le monde, pourquoi produisait-il madame avec tant d’éclat ? J’aurais compris qu’il tînt son trésor caché. Point ! il étalait l’opulence de son bonheur et voulait faire des jaloux, sans songer qu’il se condamnait à l’être le premier.

Je n’ai jamais connu d’homme plus logique et plus illogique en même temps, logique en détail, c’est-à-dire lorsqu’il appliquait son procédé de déduction à un fait isolé ; illogique dans l’ensemble, lorsqu’il s’agissait de relier les faits entre eux ; avec cela, c’était une intelligence, et le cœur était grand, on le verra bien à mesure que je raconterai.

Mes répugnances, je ne dirai pas combattues,