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D’ailleurs ce qui me détermina principalement, ce fut l’espoir qu’avec le temps M. le comte reconnaîtrait son erreur et réparerait son injustice. Je voulais qu’en ce cas Gaston se trouvât sous sa main, et que, se conformant au texte de la déclaration que j’avais obtenue, le comte pût, sans révéler sa jalousie, dire à sa femme :

— J’ai voulu le faire élever en paysan pour lui assurer une forte constitution, et, prévoyant votre opposition, je vous l’ai soustrait ; mais je ne l’ai point banni de la maison paternelle, il est dans ma terre, dans ma propriété, il est chez moi, élevé par des gens qui sont à moi. Je n’ai pas cessé de veiller sur lui.

Il était bien nécessaire, le cas échéant, que M. le comte pût parler ainsi à sa femme et à tout le monde. L’interprétation donnée ainsi par lui de sa conduite étonnerait sans doute de sa part, cependant elle étonnerait moins que de celle de tout autre. On le savait bizarre, et bien des gens le supposaient fou. Dans tous les cas, si quelque blâme pouvait l’atteindre, il n’était passible d’aucun recours judiciaire. Il avait usé de son autorité paternelle avec l’intention d’en user dans l’intérêt de son fils. J’avais obéi, moi, au chef de la famille ; je pouvais faire constater les soins et les égards que j’avais eus pour l’enfant. Il n’était ni dans la catégorie des abandonnés ni dans celle des recelés. Il n’y avait pas suppression d’état. Son acte de nais-