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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

victimes (innocentes à ses yeux mêmes, pour la plupart). Cet homme a été accessible et humain en m’écoutant. Il m’a offert toutes les grâces particulières que je voudrais lui demander, en me promettant une amnistie générale pour bientôt. J’ai refusé les grâces particulières, je me suis retirée en espérant pour tous. L’homme ne posait pas, il était sincère, et il semblait qu’il fût de son propre intérêt de l’être. J’y suis retournée une seconde et dernière fois, il y a quinze ou vingt jours pour sauver un ami personnel de la déportation et du désespoir (car il était au désespoir). J’ai dit en propres termes (et j’avais écrit en propres termes pour demander l’audience) que cet ami ne se repentirait pas de son passé, et ne s’engagerait à rien pour son avenir ; que je restais en France, moi, comme une sorte de bouc émissaire qu’on pourrait frapper quand on voudrait. Pour obtenir la commutation de peine que je réclamais, pour l’obtenir sans compromettre et avilir celui qui en était l’objet, j’osai compter sur un sentiment généreux de la part du président, et je le lui dénonçai comme son ennemi personnel incorrigible. Sur-le-champ, il m’offrit sa grâce entière. Je dus la refuser au nom de celui qui en était l’objet, et remercier en mon nom. J’ai remercié avec une grande loyauté de cœur, et, de ce jour, je me suis regardée comme engagée à ne pas laisser calomnier complaisamment devant moi, le côté du caractère de l’homme qui a dicté cette action. Renseignée sur ses mœurs, par des gens qui le voient de près depuis longtemps