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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

barricades sous mes pieds. J’ai vu le peuple grand, sublime, naïf, généreux, le peuple français, réuni au cœur de la France, au cœur du monde ; le plus admirable peuple de l’univers ! J’ai passé bien des nuits sans dormir, bien des jours sans m’asseoir. On est fou, on est ivre, on est heureux de s’être endormi dans la fange et de se réveiller dans les cieux. Que tout ce qui vous entoure ait courage et confiance !

La République est conquise, elle est assurée, nous y périrons tous plutôt que de la lâcher. Le gouvernement est composé d’hommes excellents pour la plupart, tous un peu incomplets et insuffisants à une tâche qui demanderait le génie de Napoléon et le cœur de Jésus. Mais la réunion de tous ces hommes qui ont de l’âme ou du talent, ou de la volonté, suffit à la situation. Ils veulent le bien, ils le cherchent, ils l’essayent. Ils sont dominés sincèrement par un principe supérieur à la capacité individuelle de chacun, la volonté de tous, le droit du peuple. Le peuple de Paris est si bon, si indulgent, si confiant dans sa cause et si fort, qu’il aide lui-même son gouvernement.

La durée d’une telle disposition serait l’idéal social. Il faut l’encourager. D’un bout de la France à l’autre, il faut que chacun aide la République et la sauve de ses ennemis. Le désir, le principe, le vœu fervent des membres du gouvernement provisoire est qu’on envoie à l’Assemblée nationale des hommes qui représentent le peuple et dont plusieurs, le plus possible, sortent de son sein.