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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

riage. J’ai beau chercher le remède aux injustices sanglantes, aux misères sans fin, aux passions souvent sans remède qui troublent l’union des sexes, je n’y vois que la liberté de rompre et de reformer l’union conjugale. Je ne serais pas d’avis qu’on dût le faire à la légère et sans des raisons moindres que celles dont on appuie la séparation légale aujourd’hui en vigueur.

Bien que, pour ma part, j’aimasse mieux passer le reste de ma vie dans un cachot que de me remarier, je sais ailleurs des affections si durables, si impérieuses, que je ne vois rien dans l’ancienne loi civile et religieuse qui puisse y mettre un frein solide. Sans compter que ces affections deviennent plus fortes et plus dignes d’intérêt à mesure que l’intelligence humaine s’élève et s’épure.

Il est certain que, dans le passé, elles n’ont pu être enchaînées, et l’ordre social en a été troublé. Ce désordre n’a rien prouvé contre la loi, tant qu’il a été provoqué par le vice et la corruption. Mais des âmes fortes, de grands caractères, des cœurs pleins de foi et de bonté ont été dominés par des passions qui semblaient descendre du ciel même. Que répondre à cela ? Et comment écrire sur les femmes sans débattre une question qu’elles posent en première ligne et qui occupe, dans leur vie, la première place ?

Croyez-moi, je le sais mieux que vous, et qu’une seule fois le disciple ose dire :

« Maître, il y a par là des sentiers où vous n’avez