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et il résolut de passer la nuit où il était. Il avait encore du pain dans son sac de toile bise, car, durant le siège qu’il avait soutenu, il n’avait pas eu envie de manger. Il en mangea la moitié, réservant le reste pour son déjeuner ; après cela, à la grâce de Dieu !

Les enfants dorment partout. Pourtant Emmi ne dormait guère. Il était malingre, souvent fiévreux, et rêvait plutôt qu’il ne se reposait l’esprit durant son sommeil. Il s’installa du mieux qu’il put entre deux maîtresses branches garnies de mousse, et il eut grande envie de dormir ; mais le vent qui faisait mugir le feuillage et grincer les branches l’effraya, et il se mit à songer aux mauvais esprits, tant et si bien qu’il s’imagina entendre une voix grêle et fâchée qui lui disait à plusieurs reprises :

— Va-t’en, va-t’en d’ici !

D’abord Emmi, tremblant et la gorge serrée, ne songea point à répondre ; mais, comme, en même temps que le vent s’apaisait, la voix du chêne s’adoucissait et semblait lui murmurer à l’oreille d’un ton maternel et caressant : « Va-t’en,