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consuelo.

pouvant supporter ceux d’Anzoleto. Enfin, comme il gardait toujours le silence, et qu’elle n’osait plus le rompre, une angoisse inexprimable s’empara d’elle, de grosses larmes roulèrent sur ses joues ; et cachant sa tête dans ses mains :

« Oh ! je vois bien, dit-elle, tu viens me dire que tu ne veux plus de moi pour ton amie.

— Non, non ! je n’ai pas dit cela ! je ne le dis pas ! » s’écria Anzoleto effrayé de ces larmes qu’il faisait couler pour la première fois ; et vivement ramené à son sentiment fraternel, il entoura Consuelo de ses bras. Mais, comme elle détournait son visage, au lieu de sa joue fraîche et calme il baisa une épaule brûlante que cachait mal un fichu de grosse dentelle noire.

Quand le premier éclair de la passion s’allume instantanément dans une organisation forte, restée chaste comme l’enfance au milieu du développement complet de la jeunesse, elle y porte un choc violent et presque douloureux.

« Je ne sais ce que j’ai, dit Consuelo en s’arrachant des bras de son ami avec une sorte de crainte qu’elle n’avait jamais éprouvée ; mais je me sens bien mal : il me semble que je vais mourir.

— Ne meurs pas, lui dit Anzoleto en la suivant et en la soutenant dans ses bras ; tu es belle, Consuelo, je suis sûr que tu es belle. »

En effet, Consuelo était belle en cet instant ; et quoique Anzoleto n’en fût pas certain au point de vue de l’art, il ne pouvait s’empêcher de le dire, parce que son cœur le sentait vivement.

« Mais enfin, lui dit Consuelo toute pâlie et tout abattue en un instant, pourquoi donc tiens-tu aujourd’hui à me trouver belle ?

— Ne voudrais-tu pas l’être, chère Consuelo ?