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et à qui le professeur donne des leçons particulières par charité, et plus encore par amour de l’art.

— Il faut donc que cette pauvre fille ait des facultés extraordinaires ; car le professeur n’est pas facile à contenter, et il n’est pas prodigue de son temps et de sa peine. L’ai-je entendue quelquefois sans la connaître ?

— Votre Seigneurie l’a entendue une fois, il y a bien longtemps, et lorsqu’elle n’était encore qu’un enfant. Aujourd’hui c’est une grande jeune fille, forte, studieuse, savante comme le professeur, et capable de faire siffler la Corilla le jour où elle chantera une phrase de trois mesures à côté d’elle sur le théâtre.

— Et ne chante-t-elle jamais en public ? Le professeur ne lui a-t-il pas fait dire quelques motets aux grandes vêpres ?

— Autrefois, excellence, le professeur se faisait une joie de l’entendre chanter à l’église ; mais depuis que les scolari, par jalousie et par vengeance, ont menacé de la faire chasser de la tribune si elle y reparaissait à côté d’elles…

— C’est donc une fille de mauvaise vie ?…

— Ô Dieu vivant ! excellence, c’est une vierge aussi pure que la porte du ciel ! Mais elle est pauvre et de basse extraction… comme moi, excellence, que vous daignez cependant élever jusqu’à vous par vos bontés ; et ces méchantes harpies ont menacé le professeur de se plaindre à vous de l’infraction qu’il commettait contre le règlement en introduisant dans leur classe une élève qui n’en fait point partie.

— Où pourrai-je donc entendre cette merveille ?

— Que votre seigneurie donne l’ordre au professeur de la faire chanter devant elle ; elle pourra juger de sa voix et de la grandeur de son talent.

— Ton assurance me donne envie de te croire. Tu dis