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consuelo.

bert. La pensée est peut-être profonde, mais les formes qu’il y donne me semblent bien puériles pour un homme aussi sérieux et aussi savant. La véritable communion ne serait-elle pas plutôt l’aumône ? Que signifient de vaines cérémonies passées de mode, et que ne comprennent certainement pas ceux qu’il y associe ?

— Quant à l’aumône, Albert ne s’en fait pas faute ; et si on le laissait aller, il serait bientôt débarrassé de cette richesse que, pour ma part, je voudrais bien lui voir fondre dans la main de ses mendiants.

— Et pourquoi cela ?

— Parce que mon père ne conserverait pas la fatale idée de m’enrichir en me faisant épouser ce démoniaque. Car il faut que vous le sachiez, ma chère Porporina, ajouta Amélie avec une intention malicieuse, ma famille n’a point renoncé à cet agréable dessein. Ces jours derniers, lorsque la raison de mon cousin brilla comme un rayon fugitif du soleil entre les nuages, mon père revint à l’assaut avec plus de fermeté que je ne le croyais capable d’en montrer avec moi. Nous eûmes une querelle assez vive, dont le résultat paraît être qu’on essaiera de vaincre ma résistance par l’ennui de la séquestration, comme une citadelle qu’on veut prendre par la famine. Ainsi donc, si je faiblis, si je succombe, il faudra que j’épouse Albert malgré lui, malgré moi, et malgré une troisième personne qui fait semblant de ne pas s’en soucier le moins du monde.

— Nous y voilà ! répondit Consuelo en riant : j’attendais cette épigramme, et vous ne m’avez accordé l’honneur de causer avec vous ce matin que pour y arriver. Je la reçois avec plaisir, parce que je vois dans cette petite comédie de jalousie un reste d’affection pour le comte Albert plus vive que vous ne voulez l’avouer.

— Nina ! s’écria la jeune baronne avec énergie, si