Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 1.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
consuelo.

ni catholique. J’ai été élevée par des religieuses ; leurs sermons et leurs patenôtres m’ont ennuyée considérablement. Le même ennui me poursuit jusqu’ici, et ma tante Wenceslawa résume en elle seule le pédantisme et les superstitions de toute une communauté. Mais je suis trop de mon siècle pour me jeter par réaction dans les controverses non moins assommantes des luthériens : et quant aux hussites, c’est de l’histoire si ancienne, que je n’en suis guère plus engouée que de la gloire des Grecs ou des Romains. L’esprit français est mon idéal, et je ne crois pas qu’il y ait d’autre raison, d’autre philosophie et d’autre civilisation que celle que l’on pratique dans cet aimable et riant pays de France, dont je lis quelquefois les écrits en cachette, et dont j’aperçois le bonheur, la liberté et les plaisirs de loin, comme dans un rêve à travers les fentes de ma prison.

— Vous me surprenez à chaque instant davantage, dit Consuelo avec simplicité. D’où vient donc que tout à l’heure vous me sembliez pleine d’héroïsme en rappelant les exploits de vos antiques bohémiens ? Je vous ai crue bohémienne et quelque peu hérétique.

— Je suis plus qu’hérétique, et plus que bohémienne, répondit Amélie en riant, je suis un peu incrédule, et tout à fait rebelle. Je hais toute espèce de domination, qu’elle soit spirituelle ou temporelle, et je proteste tout bas contre l’Autriche, qui de toutes les duègnes est la plus guindée et la plus dévote.

— Et le comte Albert est-il incrédule de la même manière ? A-t-il aussi l’esprit français ? Vous devez, en ce cas, vous entendre à merveille ?

— Oh ! nous ne nous entendons pas le moins du monde, et voici, enfin, après tous mes préambules nécessaires, le moment de vous parler de lui :

« Le comte Christian, mon oncle, n’eut pas d’enfants