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consuelo.

pora est robuste encore, quand le feu de la colère divine brûle dans ses entrailles !

— Grâce ! grâce ! s’écria Consuelo plus pâle que la mort. Laissez-moi douter encore… Donnez-moi encore un jour, un seul jour pour croire en lui ; je ne suis pas préparée à ce supplice…

— Non, pas un jour, pas une heure, répondit-il d’un ton inflexible ; car cette heure qui s’écoule, je ne la retrouverai pas pour te mettre la vérité sous les yeux ; et ce jour que tu demandes, l’infâme en profiterait pour te remettre sous le joug du mensonge. Tu viendras avec moi ; je te l’ordonne, je le veux.

— Eh bien, oui ! j’irai, dit Consuelo en reprenant sa force par une violente réaction de l’amour. J’irai avec vous pour constater votre injustice et la foi de mon amant ; car vous vous trompez indignement, et vous voulez que je me trompe avec vous ! Allez donc, bourreau que vous êtes ! Je vous suis, et je ne vous crains pas. »

Le Porpora la prit au mot ; et, saisissant son bras dans sa main nerveuse, forte comme une pince de fer, il la conduisit dans la maison qu’il habitait, où, après lui avoir fait parcourir tous les corridors et monter tous les escaliers, il lui fit atteindre une terrasse supérieure, d’où l’on distinguait, au-dessus d’une maison plus basse, complètement inhabitée, le palais de la Corilla, sombre du bas en haut, à l’exception d’une seule fenêtre qui était éclairée et ouverte sur la façade noire et silencieuse de la maison déserte. Il semblait, de cette fenêtre, qu’on ne put être aperçu de nulle part ; car un balcon avancé empêchait que d’en bas on pût rien distinguer. De niveau, il n’y avait rien, et au-dessus seulement les combles de la maison qu’habitait le Porpora, et qui n’était pas tournée de façon à pouvoir plonger dans le palais de la cantatrice. Mais la Corilla ignorait qu’à l’angle de ces