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consuelo.

y a de sacré, que j’ai respecté le serment fait au lit de mort de ma mère ? Anzoleto le respecte aussi. Je ne suis pas encore sa femme, je ne suis donc pas sa maîtresse.

— Mais qu’il dise un mot, et tu seras l’une et l’autre !

— Ma mère elle-même nous l’a fait promettre.

— Et tu venais cependant ce soir trouver cet homme qui ne veut pas et qui ne peut pas être ton mari ?

— Qui vous l’a dit ?

— La Corilla lui permettrait-elle jamais de…

— La Corilla ? Qu’y a-t-il de commun entre lui et la Corilla ?

— Nous sommes à deux pas de la demeure de cette fille… Tu cherchais ton fiancé… allons l’y trouver. T’en sens-tu le courage ?

— Non ! non ! mille fois non ! répondit Consuelo en fléchissant dans sa marche et en s’appuyant contre la muraille. Laissez-moi la vie, mon maître ; ne me tuez pas avant que j’aie vécu. Je vous dis que vous me faites mourir.

— Il faut que tu boives ce calice, reprit l’inexorable vieillard ; je fais ici le rôle du destin. N’ayant jamais fait que des ingrats et par conséquent des malheureux par ma tendresse et ma mansuétude, il faut que je dise la vérité à ceux que j’aime. C’est le seul bien que puisse opérer un cœur desséché par le malheur et pétrifié par la souffrance. Je te plains, ma pauvre fille, de n’avoir pas un ami plus doux et plus humain pour te soutenir dans cette crise fatale. Mais tel que l’on m’a fait, il faut que j’agisse sur les autres et que j’éclaire par le rayonnement de la foudre, ne pouvant vivifier par la chaleur du soleil. Ainsi donc, Consuelo, pas de faiblesse entre nous. Viens à ce palais. Je veux que tu surprennes ton amant dans les bras de l’impure Corilla. Si tu ne peux marcher, je te traînerai ! Si tu tombes je te porterai ! Ah ! le vieux Por-