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consuelo.

pouvais pas me décider à croire, Anzoleto, que tu voulusses m’engager à violer un serment fait à Dieu entre les mains de ma mère mourante. Je ne tiens pas beaucoup à ce que les patriciennes, dont j’entends quelquefois les causeries, appellent leur réputation. Je suis trop peu de chose dans le monde pour attacher mon honneur au plus ou moins de chasteté qu’on voudra bien me supposer ; mais je fais consister mon honneur à garder mes promesses, de même que je fais consister le tien à savoir garder les tiennes. Je ne suis peut-être pas aussi bonne catholique que je voudrais l’être. J’ai été si peu instruite dans la religion ! Je ne puis pas avoir d’aussi belles règles de conduite et d’aussi belles maximes de vertu que ces jeunes filles de la Scuola, élevées dans le cloître et entretenues du matin au soir dans la science divine. Mais je pratique comme je sais et comme je peux. Je ne crois pas notre amour capable de s’entacher d’impureté pour devenir un peu plus vif avec nos années. Je ne compte pas trop les baisers que je te donne, mais je sais que nous n’avons pas désobéi à ma mère, et que je ne veux pas lui désobéir pour satisfaire des impatiences faciles à réprimer.

— Faciles ! s’écria Anzoleto en la pressant avec emportement sur sa poitrine ; faciles ! Je savais bien que tu étais froide.

— Froide, tant que tu voudras, répondit-elle en se dégageant de ses bras. Dieu, qui lit dans mon cœur, sait bien si je t’aime !

— Eh bien ! jette-toi donc dans son sein, dit Anzoleto avec dépit ; car le mien n’est pas un refuge aussi assuré, et je m’enfuis pour ne pas devenir impie. »

Il courut vers la porte, croyant que Consuelo, qui n’avait jamais pu se séparer de lui au milieu d’une querelle, si légère qu’elle fût, sans chercher à le calmer,