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consuelo.

d’agir avec cette complaisance mal entendue pour les autres et pour soi, et mes amis se sont aperçus d’une seconde manière, plus sobre et mieux digérée, dont je m’étais fait la promesse à moi-même, en courant à travers champs après la voyageuse Consuelo. Je sentais là un beau sujet, des types puissants, une époque et des pays semés d’accidents historiques, dont le côté intime était précieux à explorer ; et j’avais regret de ne pouvoir reprendre mon itinéraire et choisir mes étapes, à mesure que j’avançais au hasard, toujours frappée et tentée par des horizons nouveaux.

Il y a dans Consuelo et dans la Comtesse de Rudolstadt, des matériaux pour trois ou quatre bons romans. Le défaut, c’est d’avoir entassé trop de richesses brutes dans un seul. Ces richesses me venaient à foison dans les lectures dont j’accompagnais mon travail. Il y avait là plus d’une mine à explorer, et je ne pouvais résister au désir de puiser un peu dans chacune, au risque de ne pas classer bien sagement mes conquêtes.

Tel qu’il est, l’ouvrage a de l’intérêt et, contre ma coutume quand il s’agit de mes ouvrages, j’en conseille la lecture. On y apprendra beaucoup de choses qui ne sont pas nouvelles pour les gens instruits, mais qui, par leur rapprochement, jettent une certaine lumière sur les préoccupations et, par conséquent, sur l’esprit du siècle de Marie-Thérèse et de Frédéric II, de Voltaire et de Cagliostro : siècle étrange, qui commence par des chansons, se développe dans des conspirations bizarres, et aboutit, par des idées profondes, à des révolutions formidables !

Que l’on fasse bon marché de l’intrigue et de l’invraisemblance de certaines situations ; que l’on regarde autour de ces gens et de ces aventures de ma fantaisie, on verra un monde où je n’ai rien inventé, un monde qui a