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avaient leur place à la charrue, ou, quand on les habillait à neuf, derrière une voiture.

Je ne m’inquiétais guère en réalité de la figure belle ou laide de Frumence. Les enfants ne s’y connaissent pas, et mon cousin était pour moi le type exclusif de la distinction ; mais, en refusant cette distinction naturelle ou acquise à notre pédagogue, il agissait sur l’opinion que pendant longtemps je devais conserver de lui. Le dégoût avait disparu, l’estime et même l’amitié arrivaient naturellement ; mais, malgré le soin délicat que prenait ma grand’mère de faire ressortir devant nous le désintéressement et la fierté de Frumence, il suffisait d’un mot de Marius pour me le faire considérer comme une nature subalterne, inférieure à la sienne. Nous n’avions alors à coup sûr aucune théorie sur la hiérarchie sociale ; nous obéissions à cet instinct qui porte les enfants à chercher quelque chose d’inconnu au-dessus d’eux, jamais ou bien rarement au-dessous. Ils sont en cela comme l’humanité tout entière, qui ne veut point revenir sur ses pas ; mais ils ne sauraient comprendre que leur idéal puisse être revêtu de son mérite intrinsèque. Ils le veulent habillé d’or et de satin, dans un palais de fées. Pour moi, les jolies vestes, les petites mains et les belles boucles blondes de mon cousin, peut-être même aussi sa