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lui répondre, craignant de manquer d’esprit pour soutenir un persiflage, et je lui demandai s’il avait eu du chagrin de quitter son pays.

— Pas du tout, me dit-il sans paraître se rappeler la perte de sa mère ; j’avais des maîtres bien ennuyeux, et, si ma grand’tante veut me garder à la campagne, je serai très-content de pouvoir monter à cheval et chasser. Y a-t-il du gibier par ici ?

— Oui, nous en mangeons souvent. Vous savez donc tirer des coups de fusil ?

— Certainement, et j’ai apporté le mien.

— Est-il bien grand, bien lourd ?

— Non ; mais il tue très-bien les perdrix ;

— Vous en avez tué beaucoup ?

— Oui, j’en ai déjà tué une et blessé une autre.

Mon cousin me sembla bête ; mais je me défendis de cette idée comme d’une impertinence de mon petit jugement, et la cloche nous appela à table.

Comme il mangeait délicatement et proprement, mon petit-cousin ! Jamais il ne s’essuyait la bouche avec la nappe comme M. Frumence ; jamais il n’avait le menton barbouillé de sauce comme M. Costel ; jamais il n’étendait la main pour prendre un bonbon ou un fruit dans une assiette de dessert, comme cela m’arrivait encore quelquefois à moi-même. Il se tenait droit sur sa chaise, il ne